William Aucant, membre de la Convention Citoyenne sur le Climat, Signataire de l’appel pour une région Pays de la Loire écologique, citoyenne et solidaire
Tristan Riom, conseiller métropolitain délégué au climat et à l’énergie, Groupe écologiste et citoyen de Nantes Métropole
Lettre ouverte à monsieur le Premier ministre et à Madame la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
Loi climat : si le gouvernement manque d’ambition, qu’il donne les moyens d’agir aux collectivités territoriales !
Monsieur le Premier ministre, Madame la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales,
Vous vous déplacez ce vendredi à Nantes afin de signer le protocole du Contrat de relance et de transition écologique avec Nantes Métropole. En tant qu’élu local et en tant que membre de la Convention citoyenne sur le climat, habitants de ce territoire, le moment est donc bienvenu pour vous rappeler que nos attentes sont immenses vis-à-vis de la loi “Climat et résilience”, inspirée des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat.
En l’état, le projet de loi, qui sera prochainement examiné par le Parlement, déçoit.
Là où les 150 et les citoyen·ne·s français·e·s attendaient un tournant majeur pour le climat, l’action gouvernementale peine à convaincre en appliquant une politique des petits pas, du “en même temps” pour faire – selon les mots de la ministre de la Transition écologique – “rentrer l’écologie dans le quotidien des Français”. En vous appuyant sur des travaux de citoyen·ne·s tiré·e·s au sort, vous devez tracer une feuille de route nationale, solide et sur le long terme, de la transition écologique. Les premières étapes ne suffisent pas : 9 années nous séparent de 2030, le cap que nous nous sommes fixé. Il faut agir vite, mais la France n’avance pas.
Le 3 février dernier, dans le cadre de l’“Affaire du siècle”, le tribunal administratif de Paris a condamné l’État français pour carence fautive dans la lutte contre le réchauffement climatique. À la suite des rapports du CESE, du CNTE, du Conseil d’État et à la veille de l’ultime session de la Convention Citoyenne pour le Climat, le Haut Conseil du Climat, vigie scientifique et indépendante de la transition écologique, dénonce le “manque d’ambition” du projet de loi. En parallèle, l’Union européenne a rehaussé l’objectif collectif de réduction de gaz à effet de serre (de -40% à -55% à horizon 2030 par rapport à 1990). Scientifiques, militant·e·s, responsables politiques et organismes publics, tou·te·s le disent : le projet de loi n’est pas à la hauteur !
Quelques exemples pour étayer nos propos.
Concernant la rénovation : nous devons mettre des impératifs de qualité et étendre progressivement à de plus en plus de types de bâtiments l’obligation de rénover. Rénover tous les bâtiments en France c’est agir directement sur les 17% de rejets de GES que compte ce secteur. Il s’agit d’une des mesures les plus fortes de la Convention Citoyenne du Climat. Comme vous l’avez fait pour les bâtiments tertiaires, les obligations amènent de vrais changements, c’est un formidable levier que le pays donne aux territoires pour structurer une filière de rénovation et faire émerger des modèles économiques. Ces politiques de rénovation nécessitent surtout de la présence humaine : la Convention a d’ailleurs insisté pour que soit créé un guichet unique de confiance pour la rénovation. Toutefois, pour garantir l’efficacité de ce guichet, il faut faire confiance aux acteur·ice·s locaux·ales et leur donner davantage de moyens. Sur ces deux sujets, la collectivité peut et doit être un relais.
Concernant la publicité sur l’espace public : vous prévoyez d’étendre le pouvoir du Règlement Local de Publicité au dispositif de publicité dans les vitrines des commerces. Pourquoi ne pas avoir étendu le périmètre aux questions d’économies d’énergies, ou encore à l’interdiction des panneaux numériques ? Malgré la demande explicite des membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, votre gouvernement ne souhaite pas s’engager dans cette voie. Bon nombre d’élu·e·s locaux·ales attendent un règlement qui, plus musclé, leur permettra d’interdire, a minima, les panneaux numériques ou les publicités pour des produits polluants.
Concernant la 5G : d’après les scientifiques, le développement à bâtons rompus de cette technologie va remettre en cause la programmation pluriannuelle de l’énergie et nos engagements climatiques. Nous, souhaitons en local nous saisir de cette question et interroger nos usages du numérique. Si vous n’avez pas le courage de mettre cette question sur la table au niveau national, donnez-nous en local les outils pour réguler la 5G.
Au moins 146 autres sujets nécessitent des changements structurants et doivent être ajustés dans cette loi pour qu’elle soit à la hauteur : aménagement du territoire, déplacements, économie circulaire, restauration collective, conversion de notre industrie, artificialisation des sols, transition agricole, transition énergétique, … mais vous aurez compris le message.
Pour changer de cap, il n’est pas trop tard. Gouvernement, Parlement, collectivités territoriales et citoyen·ne·s : faisons face ensemble à nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre.
Le gouvernement manque de courage politique pour appliquer les avis de la Convention Citoyenne pour le Climat ? Renforcez-donc les compétences des collectivités territoriales en la matière. A l’échelon local, ce sont elles qui orientent et prescrivent des comportements du quotidien et des filières. Elles sont en première ligne pour avancer dans la transition.
Ce que nous attendons de la loi climat ? C’est d’être cet élan, ce souffle, qui nous permettre de transformer à manches retroussées notre pays et notre économie.
Les déclarations d’intentions qui ne sont pas suivies de faits, voilà ce qui fragilise la parole politique. Il y a un risque à faire perdre toute confiance dans l’action politique, notamment pour une jeunesse attentive, ambitieuse et exigeante sur les conditions de son avenir. Il faut du courage et de la confiance en nous et pour les autres !
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, veuillez agréer nos sentiments les plus respectueux.
Tristan Riom, conseiller de Nantes métropole, délégué au climat et à l’énergie, né 2 ans et 15 jours après le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro
William Aucant, membre de la Convention Citoyenne sur le Climat, né 6 mois après la catastrophe de Tchernobyl.