Contribution au débat d’EELV Nantes : Non à la 5G et son monde !

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Lors du débat sur la 5G à la ville de Nantes, le groupe local d’Europe Écologie les Verts Nantes a fait une contribution. J’ai écrit le premier jet, à partir du format imposé par la concertation, puis de nombreux militant.e.s nantais.e.s ont contribué : Christine(s), Sophie, Jean-Claude, Philippe, … Merci à elles et à eux !

Se ressaisir politiquement du numérique, pour mettre en cohérence le développement des technologies et les enjeux environnementaux

Quelles sont, pour vous, les menaces (points négatifs), les opportunités (points positifs) d’un déploiement de la 5G dans votre commune ?

Le but de la 5G est d’accompagner, dans les centres urbains, le développement des objets connectés et le renouvellement de nos appareils existants. 

Impact environnemental négatif – Ces objets et technologies ont un poids environnemental considérable, aussi bien en termes de carbone, de consommation énergétique, de consommation en eau que de consommation en métaux. Ce dernier point, la consommation des métaux, est un des enjeux majeurs du siècle qui s’ouvre, et il n’est jamais mentionné à sa juste valeur. L’impératif écologique nécessite que nous remettions à plat l’accès à toutes les ressources et questionnions les usages. La 5G et son monde sont une menace pour la planète et pour nos sociétés qui reposent sur un accès abondant aux ressources. Nombre de ressources proposées dans le cahier d’acteurs ne sont pas sérieuses quant à la consommation de ressources en valeur absolue de ces technologies.

Impact social et sociétal négatif – La 5G ne répond à aucun besoin du XXIe siècle, ce n’est que le rêve techniciste de quelques individus connectés. Le monde proposé par l’avènement de la 5G dans la ville connectée est fait de capteurs omniprésents pour mesurer la moindre activité, automatiser les prises de décision, optimiser les systèmes sur des critères algorithmiques. La gouvernance d’un tel monde n’est plus confiée à des humains mais à des algorithmes. Ce monde déshumanisé n’est pas le monde que nous écologistes souhaitons voir émerger. Nous souhaitons voir émerger tout le contraire : un monde inclusif, un monde fait de lien social entre les humains, un monde où les services publics répondent aux besoins de chacune et chacun quel que soit son niveau de formation, quel que soit son appétence au numérique, en intégrant chacune et chacun. Le numérique est un outil au service de l’humain et pas une fin en soi.

Impact sur l’égalité territoriale négatif – Il faut voir également la menace que représente un déploiement incontrôlé et laissé au secteur privé. Les enjeux d’infrastructures réseaux sont majeurs, nous l’avons vu avec la crise sanitaire, et nous devons donc remettre de la puissance publique dans ce développement. Le choix fait par l’Etat de déréguler et de vendre des bandes de fréquences, sans regarder l’impact environnemental, est scandaleux et déraisonnable. Nous devons chercher l’égalité sociale et territoriale aujourd’hui via les technologies, pas succomber aux appels d’un « toujours plus » inutile, consumériste et dangereux. Avant de déployer la 5G à Nantes, il faudrait déjà que la couverture en réseau filaire préférentiellement (fibre) ou en 4G (lorsque le filaire n’est pas possible) soit bien assurée dans les territoires ruraux éloignés, ce qui n’est pas le cas ( exemples concrets dans le nord du département). De plus, le changement d’appareillage numérique chez les particuliers avec l’obsolescence programmée des anciens, va occasionner des dépenses supplémentaires difficiles à supporter par les catégories sociales qui se paupérisent.

Manque d’étude d’impact sur de nombreux autres systèmes comme les systèmes de prévision météorologiques – Les fréquences choisies pour la 5G sont de nature à perturber les relevés des satellites météo et donc dégrader la qualité des prévisions météorologiques. (source https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/les-meteorologues-de-plus-en-plus-inquiets-du-developpement-de-la-5g-1150561) déjà pour le WIFI : https://www.anfr.fr/toutes-les-actualites/actualites/les-enquetes-de-lanfr-des-previsions-meteo-alterees-par-des-reseaux-wifi-non-conformes/

L’opportunité de la 5G ne revient qu’au secteur économique du numérique, industriel ou du bâtiment puisque les impacts négatifs listés ci-dessus ne sont pas pris en compte dans le calcul de rentabilité à court terme qu’ils énoncent pour mettre en valeur la prétendue plus-value de la smart city, de la smart mobility, de la smart usine du futur. Cette opportunité à long terme n’en est pas une si on prend en compte tous les coûts réels engendrés par cette technologie qui seront pour la plupart assumés par la puissance publique et donc in fine par le citoyen.

Quel numérique voulez-vous pour Nantes demain : quelle serait votre vision idéale du développement des nouvelles technologies numériques à Nantes ?

Sobriété – Il nous faut d’abord retrouver la voie de la sobriété et de la redéfinition de l’usage. Les scénarios le montrent : l’utilisation de toutes nos ressources est sous tension et doit être regardée au prisme de « Qu’est ce qui est vraiment utile » ? Arrêtons de faire croire que l’avenir de l’emploi et du numérique, ce sont quelques start-up et des technologies de rupture : soutenons le numérique lorsqu’il permet à plus de personnes d’avoir accès aux services publics, de se connecter les uns aux autres; soutenons le numérique lorsqu’il crée réellement des emplois, soutenons le numérique conscient de ses limites et de son impact environnemental et qui cherche à réparer plutôt que jeter. En un mot : retrouvons de la sobriété numérique. Soutenons le développement des réseaux filaires plutôt que sans fil là où ils sont les plus pertinents: la fibre optique plus sécurisée, offrant des débits qui peuvent être démultipliés grâce notamment au multiplexage des longueurs d’onde et sans diffusion d’ondes dont on n’a pas encore prouvé l’innocuité sur la santé des êtres vivants. Les connexions par fibre optique sont insensibles aux interférences liées aux autres ondes électromagnétiques de l’environnement.

Démocratie – La 5G pose aussi des questions démocratiques. Les citoyens doivent pouvoir décider de ce qu’il y a sur leurs réseaux ! Face aux intérêts privés, il faut réaffirmer politiquement la place des acteurs publics dans la définition et la mise en œuvre des outils numériques. Cela, dans la recherche du bien commun. Le débat public doit s’emparer des questions du développement des technologies, particulièrement des technologies numériques. En local, une instance de gouvernance doit être mise en place pour que le développement de cette filière soit en adéquation avec les objectifs politiques. Les élus et citoyens doivent être maîtres du mode de développement des technologies du numérique sur leur territoire. Aucun lobby qu’il soit économique ou industriel ou du bâtiment ne doit dicter aux élus leurs choix en matière de numérique. Le développement du numérique doit se faire non pas pour celles et ceux qui y ont déjà le plus accès, mais au profit de celles et ceux qui en sont le plus éloignés, soit parce qu’ils et elles n’ont pas (encore) les compétences pour se saisir de ces outils, soit parce qu’ils et elles n’ont pas un accès convenable au réseau. On pense à certaines communes où les réseaux sont mauvais. Ils nous faut donc mettre l’accent sur un accès au numérique équitable et admettre aussi que tout n’est pas numérisable : les relations directes entre humains sont irremplaçables et le développement du numérique ne doit pas se faire au détriment du contact humain (on pense a la fameuse « télémédecine »). Le citoyen doit toujours pouvoir avoir accès à une alternative non numérique pour effectuer ses démarches ou faire valoir ses droits. Le numérique ne doit en aucun cas être un obstacle. Enfin, il nous faut retrouver la voie d’une souveraineté numérique locale. Cela passe par une réflexion sur les acteurs et les filières à favoriser. La souveraineté populaire doit aussi porter sur les outils, le choix des appareils, la maintenance (ateliers de réparation), etc…

Inclusion – Le numérique doit être accessible à tous, quelle que soit sa situation, quelle que soit sa santé, quel que soit son handicap. Une alternative doit être proposée pour n’exclure personne. Les technologies numériques doivent s’accompagner d’un service public de médiateurs numériques formés et assermentés dans tous les quartiers de la ville pour permettre à chaque citoyen de les utiliser lorsqu’ils sont nécessaires.

Quelles seraient les précautions et les conditions à réunir pour organiser au mieux le développement numérique de notre territoire ?

Quelle politique numérique ? Tout d’abord, il faut que les élu.e.s et les instances politiques de la ville et de la métropole portent haut et fort le discours que la 5G n’est pas le numérique que nous voulons. Que cela ne correspond pas, et va même à l’encontre du projet politique sur lequel nombre de municipalités ont été élues. Il faut désinvestir la métropole des filières qui ne sont pas utiles pour l’Humain et la planète, et réinvestir dans un numérique sobre et responsable. Cette approche nécessaire du numérique sobre et responsable doit être portée par des élus convaincus et dans toutes les politiques publiques : de la commande publique aux discours politiques, des prix de l’innovation à la promotion de pratiques responsables auprès de nos concitoyens. Nous devons aussi intégrer pleinement les enjeux du numérique dans les documents de cadrage relatifs aux politiques énergétiques et climatiques, ainsi qu’à l’aménagement du territoire. Il faut un moratoire et un débat réellement citoyen avant de mettre en œuvre cette nouvelle technologie.

Quels sont les questionnements et les sujets que vous souhaiteriez approfondir ?

Quels usages ? Une chose est claire : on ne sait pas à quoi va servir concrètement la 5G, mais on sait que ce seront de nouveaux usages. Un suivi et un contrôle sont donc nécessaires pour vérifier que les promesses des acteurs privés soient tenues. Le Haut Conseil pour le Climat a bien pointé que, derrière les antennes, l’enjeu est le scénario d’utilisation de ces technologies, et c’est cela qui provoquera le principal impact environnemental.

Quel modèle de société : à quoi vont nous exposer ces nouveaux usages ? La société du « big data, des voitures connectées, de la reconnaissance faciale, du tout virtuel, quels sont leurs impacts sur nos droits ? Quelles protections de notre vie privée nous assure-t on ? Quelle garantie sur la sécurité de nos données ? La pandémie nous a appris que l’essentiel c’est le lien social, la solidarité, les services publics de santé et d’éducation, et la culture.

Quel impact sur la santé des êtres vivants? Les enjeux de santé, sur les humains comme sur les autres espèces vivantes provoquent l’inquiétude. Le manque de données scientifiques, notamment sur la bande des 26 GHz choisie pour la 5G, doit nous alerter. Cela montre l’absence de considération de l’Etat quand les enjeux financiers et économiques sont importants et un renoncement au principe de précaution. Un suivi précis de ce sujet est donc nécessaire, pour se donner le droit et la possibilité de faire marche arrière en cas de dérives avérées de ces technologies.

Qui est décisionnaire ? Il convient de réclamer le retour de cette compétence reprise par l’Etat en matière d’installation des antennes pour décider d’autoriser ou pas l’implantation des antennes 5G ou pas. Actuellement la jurisprudence applicable en la matière est celle des implantations d’antennes-relais depuis une décennie, le Conseil d’Etat rappelle ainsi que seules les autorités de l’Etat sont compétentes pour réglementer l’implantation des antennes de téléphonie mobile. Cet arrêt rappelle que le gouvernement est responsable de la politique des communications électroniques et de leurs mises en place effectives. Cette situation dépossède les exécutifs locaux du pouvoir de laisser les installations se réaliser ou de les refuser.

Et au fond, il reste des questions fondamentales : en quoi une technologie nouvelle est-elle un progrès pour l’humanité? A qui profite t-elle (les entreprises ou les individus ) ? Si du temps est gagné, est-ce au profit d’une meilleure qualité de vie, ou d’un asservissement ?

Et pour retrouver la position nationale d’EELV sur le sujet :

(Il s’agit d’une ‘motion’ donc un texte voté par le « Conseil Fédéral », l’instance nationale d’EELV)

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