[Dossier Métaux 1/3] Pourquoi s’y intéresser et quelles sont les limites du recyclage ?

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Source de la réflexion

Mon entrée dans l’engagement pour l’écologie s’est faite à travers 3 livres :

Le Rapport Meadows, Les limites à la croissance (dans un monde fini), livre iconique de Donella Meadows, Denis Meadows et Jorgen Randers. Un rapport ardu, acheté et lu un peu par hasard dans le cadre d’un projet de cours, et qui me mettra rendra allergique a ce mot – Croissance – dès le début de mes études.

L’aventure de Tara Tari de Corentin de Chatelperron. Une aventure folle d’un ingénieur sorti de la même école que moi quelques années avant et qui par ce voyage débutait une épopée concrète qui met en action les réflexions du troisième livre.

L’âge des Low Tech, Vers une civilisation techniquement soutenable de Philippe Bihouix. Un cri d’alerte sur la non-soutenabilité de notre société technologique, avec une entrée dont on a un peu moins l’habitude : la raréfaction de nos ressources métalliques.

Pour faire lien entre ces ouvrages avec le sujet abordé ici, on pourrait dire :

  • Rapport Meadows : La croissance infinie du PIB entraîne une augmentation continue de la pression sur nos ressources de toutes sortes (l’eau, les terres, la capacité de la biosphère à absorber du CO2, les métaux, …)
  • L’âge des Low Tech : Pour soutenir ce modèle, nous avons créé l’imaginaire d’une industrie qui est capable d’innover pour recycler à l’infini nos ressources, notamment minières, alors que dans les faits c’est beaucoup trop coûteux énergétiquement. Nous dispersons tellement les ressources avec des alliages et des produits complexes que nous ne pourrons jamais les récupérer.
  • Tara Tari : Forts de ce constat, nous devons revoir notre modèle de vie consumériste, notamment en proposant un autre modèle de vie basé sur la sobriété et la volonté de nous ressaisir de ces technologies dont nous dépendons. Cela passe aussi par le changement de notre rapport aux ressources métalliques et la simplification de la conception de nos produits.

Les métaux : ressource renouvelable et recyclable à l’infini ?

C’est bien ça la chose qui frappe, le mythe brisé : nos métaux se recyclent mal, sont peu recyclés, et si tant est que cela soit vraiment un objectif que de chercher à le faire, il faut concevoir nos produits autrement.

Le recyclage infini n’existe pas, et ce à cause du triptyque « complexité – dispersion – usure »1 :

  • Complexité : Nos technologies toujours plus complexes nécessitent par exemple de nombreux alliages (mélange de métaux) qui limitent voire empêchent le recyclage. Un alliage va souvent être constitué d’un métal largement disponible avec un autre plus difficile à extraire mais qui donne des caractéristiques particulières à l’ensemble.
  • Dispersion : Certains métaux sont utilisés sous une forme qui rend impossible le recyclage car trop dispersé, c’est le cas notamment de métaux utilisés sous forme chimique. « Le cas le plus emblématique, c’est le titane, qui est employé à 95 % comme colorant blanc universel, dans les cosmétiques, les plastiques, etc.« 2
  • Usure : Plus qu’une question purement technique, c’est une limite naturelle et conceptuelle à laquelle nous faisons face. Nicholas Georgescu-Roegen suggère même un « quatrième principe de la thermodynamique» selon lequel la matière utilisable se dégrade elle aussi inéluctablement, tout comme le fait l’énergie 3, posant ainsi dès le début du XXeme siècle une limite à la croissance infinie de la production. La matière se dégrade inévitablement et donc le recyclage infini, quand bien même nous arrivons à récupérer la matière, est impossible.

Le problème c’est que nous sommes sur une trajectoire d’augmentation constante et affolante de l’extraction des métaux. Et comme nous commençons toujours par extraire les ressources les plus faciles à atteindre, les ressources métalliques sont de plus en plus compliquées à extraire, plus coûteuses en énergie et en main d’œuvre. Une grande partie des ressources métalliques restera d’ailleurs inaccessible car trop coûteuse à extraire.

D’une part, il faut donc distinguer les ressources existantes, disponibles et exploitées :

Différences entre ressources, réserves et mines exploitées, ici avec l’exemple du cuivre (chiffres de 2014). Graphique fait maison.

A noter que le problème de fond n’est pas seulement la limite de nos réserves, il est aussi et surtout dans la dépense énergétique et les pollutions engendrées pour extraire et transformer une ressource toujours plus compliqué à atteindre.

D’autrs part, on constate une escalade affolante de l’extraction des métaux, sur l’ensemble des ressources, ici avec l’exemple du cuivre :

Production historique et projeté du cuivre. Source : Global historical and projected copper production. Source: Kerr, R. (2014); The coming copper peak. Science 343, 722-724.

D’après Philippe Bihouix, « Une baisse de 50 à 65 % ne nous ramènerait qu’au rythme d’extraction des années 1990, pas franchement « écologiques ». Cela donne une idée de l’ampleur de la tâche qui nous attend, alors que la population a augmenté entre temps. Sans compter qu’exploiter « modérément » n’a techniquement rien d’évident : avec la profondeur croissante, la moindre accessibilité ou la baisse de la richesse des minerais, les mines du futur exigent des capitaux et engendrent des coûts opérationnels toujours plus grands… réclamant une exploitation massive et rapide.« 

Conclusion

Il faut aujourd’hui casser ce mythe du recyclage infini, et prendre conscience de nos limites en terme d’accès à ces ressources. C’est une question de disponibilité de la ressource, mais aussi de dépense d’énergie, de pollution et d’exploitation de certains êtres humains. Il convient également d’être attentif à la course exponentielle à l’extraction des ressources, rendue nécessaire par le développement du numérique notamment.

Dans les 2 prochains volets de ce dossier, nous nous intéresserons aux réponses à donner à cet enjeu.

Sources et aller plus loin :

Notes

  1. Cette idée a été partagée par Philippe Bihouix dans une interview pour le site Reporterre (La « croissance verte » est une mystification absolue, 16 juin 2015, version mis à jour le 9 juin 2017), où il attribue cette vision à l’économiste et mathématicien Nicholas Georgescu-Roegen. Je synthétise ici son propos et récupère quelques exemples.
  2. Interview de P.Bihouix pour Reporterre
  3. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicholas_Georgescu-Roegen#Entropie,_%C3%A9conomie_et_d%C3%A9croissance

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