Quand la droite admet que protection de l’environnement et croissance infinie sont incompatibles.

( 3 minutes de lecture)

Longtemps cantonnée pour beaucoup à des enjeux de protection de la faune et de la flore, l’écologie étend son champ d’action. De Macron à Retailleau, les attaques récentes sur les questions économiques (et l’inquiétude de décroissance) en sont un marqueur.

Retailleau et la croissance1

Lundi 10 mai, le Sénat a refusé d’inscrire la protection de l’environnement dans la constitution. Plus exactement, le Sénat a adopté une version du texte différente de l’assemblée. Or, pour lancer un référendum de révision de la Constitution, il faut que les deux chambres adoptent la même version. Cela enterre ainsi (encore) une proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat. La proposition en question visait à inscrire dans l’article 1er de la Constitution la mention suivante : la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».

Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, s’est alors fendu de cette phrase géniale : « Le terme ‘‘garantit’’, c’est l’introduction du virus de la décroissance dans notre Constitution ». Les tenants du « sérieux » économique admettent donc aujourd’hui qu’il n’est pas possible d’assurer aux générations futures la préservation de l’environnement tout en maintenant la croissance économique.

D’un côté des règles scientifiques sur le fonctionnement de notre planète, de l’autre une règle humaine et arbitraire. La droite fait donc le choix du dogmatisme, en dépit du bon sens. Elle accrédite au passage l’idée que pour préserver l’environnement, il nous faut repenser en profondeur notre système économique.

Macron et l’écologie de production2

Dans le même sens, l’allocution d’Emmanuel Macron le 12 juillet lui a permis d’annoncer de nouvelles mesures pour lutter contre l’épidémie de coronavirus et de nous donner les premier jalons de sa future candidature à l’élection présidentielle. Il nous a alors proposé une « évolution sémantique » : « réconcilier la croissance et l’écologie de production ».

L’écologie de production est un concept qui avant cette intervention n’existait pas. Ce concept cherche à créer une fausse opposition entre des écologistes qui seraient « pour la production » (lui visiblement) et d’autres qui seraient « contre » (nous ?). Comme l’analyse Maxime Combes sur son blog (et je vous recommande la lecture complète de son article) :

« Il nous faut d’abord dire qu’une telle dichotomie est totalement absconse. Il n’existe pas une seule école de pensée de l’écologie qui voudrait abandonner toute forme de production et qui ne viserait pas la production d’un certain nombre de biens et services pour satisfaire des besoins humains vitaux. Cela n’aurait aucun sens : même la cueillette de plantes sauvages nécessite travail et outils et s’apparente à une forme de production. Le concept « d’écologie de production » comme moyen de se démarquer d’autres écoles de pensée de l’écologie est donc d’abord dépourvu de sens. »

Macron invente « l’écologie de production » pour disqualifier les pensées écologistes – Billet de blog du 14 juillet 2021 de Maxime Combes, Économiste travaillant sur les politiques climatiques, commerciales et d’investissement

La bonne nouvelle et la suite

Sur le fond, que ce soit de Retailleau ou de Macron, ces déclarations sont de bonnes nouvelles. Elles montrent que ces nouveaux convertis à l’écologie ont intégré qu’il existe une contradiction entre les dogmes et modèles économiques qu’ils défendent, et la préservation de nos écosystèmes. Ils sont aujourd’hui dans des réactions d’opposition, ce qui est normal. Le philosophe Pierre Charbonnier explique même que le conflit est une étape nécessaire. Que l’écologie politique en ce qu’elle bouleverse nos modes de vie doit assumer sa part de conflictualité.

Si on reprend l’idée de Serge Latouche, le concept de « décroissance » a toujours eu un but provocateur, pour poser sur la table le débat de notre modèle de production. Il semble que maintenant que tout le monde a en tête ces contradictions. Il nous faut trouver d’autres mots pour qualifier ce changement majeur que nous voulons opérer.

Dans son excellent livre « La théorie du Donut, 7 manières de penser comme un économiste du XXIème siècle », Kate Raworth nous invite à penser notre cadre verbal. Il s’agit d’utiliser des mots simples et positifs, qui renvoient à une image mentale souhaitable pour qualifier notre projet. Avec certaines réussites déjà : Les libéraux veulent un allégement fiscal ? Plus de liberté qui, en fait, cache moins de moyens pour la collectivité ? Face a cela, nous avons réussi à imposer l’idée de justice fiscale.

Un travail s’ouvre devant nous, donc, pour trouver les mots positifs qui qualifient notre projet de société notamment en matière d’économie. Trouvons un cadre verbal qui n’atténue pas la radicalité de notre projet (type « croissance verte ») mais au contraire qui affirme toute sa dimension transformatrice. Et ça nous en parlerons certainement dans un prochain article.

Et pour en savoir plus sur une autre attaque récurrente contre les écologistes, lisez : Les écologistes sont-ils liberticides ?

Notes

  1. Retrouvez l’analyse plus détaillée du contexte de cette intervention sur le site de Public Sénat ainsi que l’intervention complète de Bruno Retailleau sur Dailymotion
  2. Partie inspiré de l’article de Maxime Combes sur son blog : https://blogs.mediapart.fr/maxime-combes/blog/140721/macron-invente-lecologie-de-production-pour-disqualifier-les-pensees-ecologistes

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