Tous les semestres, les élus du Conseil municipal font un débat thématique afin d’approfondir un sujet. La session du 15 octobre est consacrée au climat et au rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Pour celles et ceux qui ont lu le résumé du rapport, vous l’avez vu : ce n’est pas un document qui propose des orientations politiques ou militantes. C’est un constat scientifique : 100% du réchauffement climatique provient bel et bien de nos activités humaines.
Je suis né en 1994, à l’époque l’humanité émettait 22 Gt CO2 /an dans l’atmosphère. Entre temps, on a eu 5 rapports du GIEC, 19 ministres de l’écologie, 4 condamnations de l’État pour inaction climatique, ma génération a bien coupé l’eau en se brossant les dents,… et aujourd’hui, on se dirige dangereusement vers les 40GT CO2/Ans, soit presque 2 fois plus. Pour limiter le réchauffement à 2°C, nous avons encore le droit d’émettre 900 GT CO2. C’est un compteur infernal qui grimpe, une course que nous sommes en train de perdre.
Et il n’y a pas que le carbone ! 3 autres seuils ont été franchis : les cycles de l’azote et du phosphore, la dégradation des sols, et l’intégrité de la biosphère qui comporte l’effondrement de la biodiversité. 68% des vertébrés sont aujourd’hui éteints, 90% des zones humides ont été détruites, et cela à des échelles de temps infimes dans l’histoire de notre planète !
Nous devons prendre l’ampleur de ces changements nécessaires, pour bien comprendre que des ajustements à la marge du système actuel ou quelques innovations technologiques ne suffiront pas. Il faut un véritable changement de société.
Les études le montrent : passé un certain seuil, l’augmentation de richesses matérielles peine à créer l’emploi, n’augmente plus le niveau de bonheur, et détruit le vivant. Ressasser ces concepts d’un autre temps ne fait qu’augmenter l’éco-anxiété grandissante : 75% des 16 à 25 ans jugent l’avenir « effrayant » et la moitié d’entre eux n’ont tout simplement plus foi en l’humanité.
A l’été 1989, juste après la chute du mur de Berlin, Yoshijiro Francis Fukuyama écrit un article dans une revue américaine pour annoncer la “fin de l’histoire”. L’idée que l’Histoire s’achève car nous aurions atteint un consensus universel sur la démocratie, l’ordre économique, et que tout ne serait désormais qu’un long fleuve tranquille. Les rapports du GIEC nous montrent au contraire que l’histoire est devant nous, les décisions collectives de changements majeurs de nos organisations sont devant nous.
La voilà notre grande histoire, notre grand défi. Nous pouvons être la génération qui aura réconcilié l’Homme et son écosystème. La génération capable d’écouter la science et d’écouter sa sensibilité, la génération capable de dépasser les impasses des 30 Glorieuses et de placer les curseurs à la hauteur des enjeux de l’avenir.
Ces dérèglements sont de plus en plus palpables, avec des conséquences déjà bien visibles pour les habitants, que ce soit en matière d’inondations, de chaleur, d’incendies ou d’exposition aux pollutions. Pour ne prendre qu’un exemple : à Portland où les températures ont dépassé les 50° la ville a dû mobiliser 60 équipes pour distribuer de l’eau et accueillir plus de 7000 réfugiés dans ses bibliothèques transformées en centres de rafraîchissement.
Nous devons donc lutter contre le changement climatique mais également préparer notre territoire à y faire face.
Dire “l’écologie d’abord” ce n’est pas dire “l’humain passe après”, c’est au contraire faire passer d’abord ce qui permet à l’humain d’avoir un futur ! Et toujours, en portant l’attention sur les plus fragiles d’entre nous, qui sont les plus touchés par les conséquences de ces dérèglements.
Précarité énergétique, accès aux soins et à l’alimentation de qualité, plus forte exposition aux pollutions, les plus fragiles cumulent à la fois insécurité sociale et insécurité écologique Fin du monde, fin du mois, même combat disait les gilets jaunes. Les plus pauvres de ce monde, et les plus pauvres de notre pays souffriront en premier du changement climatique.
Or, les plus précaires sont ceux qui polluent le moins. On les accable avec l’huile de palme ou le tri des déchets, mais comparé à un SUV ou à un vol transatlantique, c’est un impact qui n’a rien à voir.
Nous devons donc changer drastiquement de société. Mais pour y parvenir, nous devons lutter contre certains préjugés qui favorisent l’inaction. Cette inaction qui, je vous l’ai dit, n’a que trop duré. Parmi les 11 dénis identifiés par l’Université de Cambridge, j’aimerais en citer 2 :
- Premier déni : L’idée que la science et la technique vont nous sauver. Non, les promesses spectaculaires de croissance verte des ingénieurs, entrepreneurs et même designers ne sauveront pas le monde. Elle est là la poudre de perlimpinpin : parier notre avenir sur des technologies qui n’existent pas encore alors que nous n’avons plus le temps est inacceptable. La prochaine grande innovation dans la téléphonie, ce n’est pas un téléphone 6G, c’est un téléphone qui dure et fonctionne (vraiment) 20 ans. C’est donc vers l’économie de matières qu’il faut orienter l’innovation.
- Deuxième déni : L’idée que c’est l’action individuelle qui nous sauvera. Dire aux gens qu’il suffit de trier ses déchets et passer à la voiture électrique tous azimuts pour sauver le climat est non seulement culpabilisant, mais c’est en plus un mensonge. Changer de comportement individuel est important, essentiel, mais ça ne suffira pas. Ce qui est en cause c’est notre organisation collective : institutions, états, collectivités, corps intermédiaires, entreprises. A Cordemais comme à Saint-Nazaire, pensons à de réelles transitions pour les emplois et pas juste des salariés sur le carreau et une direction dans le déni.
Le rapport du GIEC réaffirme aussi qu’il est encore possible d’agir. La question n’est donc pas de savoir s’il faut agir ou à quelle ampleur, mais comment.
Delphine Bonamy prenait le relai à partir d’ici avec une intervention pour partager notre vision sur le « Comment agir ». J’insérerai l’intervention ici. Voici déjà ci-après la conclusion de son intervention que nous avions travaillée ensemble :
Les conclusions du GIEC ne nous appartiennent pas, à nous, écologistes. Elles appartiennent au bien commun, à l’ensemble des connaissances validées et acquises des êtres humains. L’exigence qu’ont eu longtemps les écologistes, c’est d’être celles et ceux qui prenaient au mieux le sens de l’urgence, le sens de l’ampleur des changements nécessaires, le sens du changement de société majeur qu’impliquent ces analyses et ces conclusions scientifiques.
Nous élus écologistes resterons comme nous avons toujours été : exigeants sur le fond, un pied dehors, un pied dedans, un pied dans les luttes écologistes sur le terrain et un pied dans les institutions pour les faire changer. Notre vœu le plus cher n’est pas de défendre notre pré carré, c’est de l’étendre et le partager. Et nous espérons que ce débat y contribuera.
Je vous remercie.