“Le premier rôle d’une maire, c’est de protéger ses habitants”, biens communs et sécheresse

( 4 minutes de lecture)

Cette phrase a été une de celles que nous avons beaucoup répétées pendant la campagne des municipales en 2020, et elle est particulièrement chère à notre candidate d’alors, Julie Laernoes.

Mais pourquoi ? C’est quoi cette “protection” ?

Cette idée de protection est directement liée à la crise écologique que nous vivons : l’environnement incertain dans lequel nous évoluons dorénavant fait courir aux populations de nombreux risques (pollutions, inondations, sécheresses, pénuries d’énergies…).

Or, face à ces nombreux risques, l’individu seul ne peut rien, ou peu de chose : vous pouvez installer des panneaux solaires sur votre toit (si vous avez un toit) et un récupérateur d’eau pluviales, mais il y a peu de chance que vous soyez autonome en énergie et en eau. Il n’y a pas d’autonomie individuelle face à la crise environnementale. Nous sommes tous et toutes dépendant.e.s les uns et les unes des autres. C’est pour cela que la crise écologique pose une question de responsabilité individuelle et collective.

Mais alors, si on ne peut (presque) rien faire individuellement, comment préparer et lutter contre les crises ?

Le rôle des “collectivités”

C’est justement là que le rôle de la ou des collectivités territoriales prend tout sont sens. Une mairie, un département ou une région, ce n’est jamais que des habitants et habitantes qui s’accordent pour déléguer à un groupe de personnes (des agents territoriaux, fonctionnaires ou pas, dont le travail est orienté par des personnes élues) pour gérer un ensemble de sujet “communs”.

Bien évidement, l’organisation territoriale est quelque peu “imposée”, donc les habitants et habitantes n’ont pas vraiment l’impression de faire ce choix. Comme toutes les collectivités, la mairie existe, qu’iels le veuillent ou non, et ses compétences sont fixées par la loi. Une revendication portée notamment par des organisation fédéraliste et régionaliste comme Europe Écologie Les Verts est justement de donner plus d’influence aux citoyens sur le mode d’organisation territoriale, pour redonner le sentiment d’en être maître. C’est pour cette raison que Dominique Voynet (écologiste) avait créé les “Pays” : un échelon dont la taille était décidée par les gens qui y habitent. C’est pour cette raison aussi que les écologistes soutiennent le référendum de rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, quel que soit par ailleurs l’avis des uns et des autres sur la nécessité ou non de rattachement effectif.

Le bien commun

Revenons-en à “ce qui est géré par la collectivité”.

Nombre de ces sujets sont des “biens communs”, c’est-à-dire des biens “non exclusif” (dont il est difficile, pour des raisons techniques ou politiques, d’en exclure l’accès à quelqu’un) mais “rivaux” (leur consommation par quelqu’un les rendent indisponibles pour un autre. Les personnes sont rivaux dans la consommation de la ressource)1. Un exemple de bien commun par excellence, c’est l’espace public : tout le monde y a accès (non-exclusif) et il est en quantité limité (rivaux). Il faut donc décider comment l’organiser et l’aménager, pour qui et quels usages… et ça, ce sont les mairies qui s’en occupent 2

La sécheresse que nous vivons en ce moment met en valeur qu’il est essentiel de sortir du cadre de la « marchandisation » : lorsqu’il n’y a pas assez d’eau, il ne suffit pas d’en augmenter le prix (comme pourrait le faire la “loi de l’offre et la demande”), sinon les plus riches pourraient continuer à remplir leur piscine pendant que les plus pauvres ne pourraient même plus boire. Non, on définit des usages nécessaires et d’autres non, on exclut certains usages revendiqués par certains qui empêcheraient d’autres de répondre à leur besoins. Il y a encore des privilèges de puissants bien sûr, avec des golfs que l’on continuait d’arroser en pleine restriction, mais dans l’ensemble les mesures sont comprises et acceptées. Face à ces épisodes de sécheresses, nous devons aussi questionner des politiques de long terme, qui ne prennent pas assez en comptes les risques : certaines cultures trop consommatrices d’eau3, un mode de tourisme trop concentré dans le temps et l’espace4, des agences de l’État en charge de l’adaptation au changement climatique dont les effectifs sont constamment réduits depuis des années5

Alors cette fameuse “protection de habitant.e.s”, que touche-t-elle et que dit-elle ?

Dire “le rôle premier rôle d’une maire, c’est de protéger ses habitants”, ce n’est pas seulement informer d’un état de fait, c’est plutôt dire comment on perçoit la fonction du ou de la maire. C’est dire que nous nous engageons a intégrer les risques nouveaux pour les populations dans notre manière d’exercer le pouvoir qui nous est donné par les habitant.e.s. C’est dire que les biens communs doivent être gérés pour faire face à ces crises, et que l’on pourrait élargie autant que de besoin l’ensemble des services et ressources considérés comme biens communs. C’est finalement une forme de promesse, un engagement très fort, une marque de responsabilité pour dire que face à la crise environnementale et à la répartition (souvent injuste) des ressources que nous connaissons, nous prenons conscience de notre responsabilité en tant qu’acteurs politiques (militants, associatifs ou élus).

Bref, cette formule parle de la conception que nous avons du mandat d’élu. Un rôle qui n’est pas que de “gérer la ville”, mais de la préparer à l’avenir et de réparer les inégalités et de prévenir les risques que certains et certaines vivent déjà.

Notes et sources

  1. Cette définition du bien commun correspond à celle émise par Paul Anthony Samuelson en 1954, repris sur cet article de l’université de Versailles qui explique bien la notion et les différents régimes de propriété : https://creg.ac-versailles.fr/les-biens-communs. A noter que pour nombre de sujets, c’est un choix politique de définir certaines choses comme étant “un bien commun”.
  2. Un prochain article reviendra sur la “passion des espaces publics” que l’on développe quand on s’intéresse à la politique, notamment en milieu urbain.
  3. Consommatrice soit par la pollution qu’elle engendre, soit par le modèle agricoles ou les choix de cultures comme le rappel Nicolas Girod (éleveur dans le Jura, porte-parole national de la Confédération paysanne) dans une tribune le 14 aout 2002 publié sur LeMonde.fr : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/14/pour-anticiper-la-rarefaction-de-la-ressource-en-eau-il-faut-transformer-le-systeme-agricole_6137995_3232.html
  4. Ce problème largement relayé dans la presse cet été se pose au niveau français (https://www.ouest-france.fr/environnement/consommation-l-eau-soumise-a-la-pression-touristique-6921154) comme au niveau international (article datant un peu : https://www.lechotouristique.com/article/la-goutte-d-eau-de-trop-de-l-activite-touristique,75129)
  5. Maxime Combes relevait ce paradoxe en quelques graphiques sur Twitter : https://twitter.com/MaximCombes/status/1560377639202074624

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *